La
Fontaine vieille
Le problème de l'eau à Roquebrune
La plupart des villages
de France ont été fondés, pour des raisons économiques,
au carrefour de voies de communication ou au confluent des rivières.
Roquebrune, fut bâti, pour des raisons de sécurité,
sur un piton rocheux et, de ce fait, tout à fait à l'écart
des points d'eau et même du fleuve.
Au Moyen Age, il n'y avait aucune fontaine dans l'agglomération,
seulement un puits public équipé d'une noria et quelques
puits privés qui suffisaient tant bien que mal aux besoins d'une
population encore peu nombreuse.
Des circonstances géologiques particulières étaient
cependant exploitées par les habitants ; l'arkose, sur laquelle
sont édifiées les maisons, est en effet un grès poreux
qui permet la circulation de l'eau de ruissellement et, même de
nos jours, les murs des caves creusées dans cette roche assez tendre
suintent à la moindre pluie. Les Roquebrunois avaient vite saisi
le profit qu'ils pouvaient en tirer et ils avaient aménagé
dans les caves des rigoles et des bassins, toujours visibles dans les
maisons anciennes, qui leur permettaient de recueillir une certaine quantité
d'eau pour leur usage domestique.
Mais au début du XVIIIème siècle, la population
ne pouvait plus se contenter de ces expédients.
En 1701, le
Conseil vota un crédit de 300 livres pour faire venir Aubert
de Montpellier, "l'homme qui avait le don merveilleux de trouver
l'eau dans les entrailles de la terre". Une source fut ainsi
découverte près de la chapelle Sainte Anne et une
dépense de 22 livres par canne de longueur fut engagée
pour établir une conduite destinée à alimenter
en eau deux fontaines dans le bourg.
Mais le débit
devait être insuffisant puisqu'en 1772 on fit venir
le Sieur Palanque, sourcier réputé des environs de
Marseille, qui fut accompagné sur le terrain par J. Gaston,
bourgeois de Roquebrune. A la suite de cette mission, il fut alloué
3 livres à un géomètre et une livre par jour
à chacun des six paysans qui travaillèrent à
canaliser et rassembler les diverses sources trouvées aux
Cavalières.
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C'est en
1774 qu'Alexandre De Badier fit don à la commune de
ces sources . Dès lors furent entrepris les grands travaux
nécessaires pour amener ces eaux au village; une taxe de 3
livres par feu et par an pendant quinze ans permit de dégager
les crédits nécessaires à la construction d'un
aqueduc dans la zone forestière aboutissant, au voisinage du
village, à une conduite enterrée. L'aqueduc existe toujours;
il est devenu sous le nom des "Vingt cinq ponts"
le but de promenade favori des Roquebrunois, aux beaux jours. |
La conduite a été retrouvée intacte, lors des travaux
de terrassement préalables à la création du lotissement
des Provencelles; elle était constituée d'éléments
de céramique filetés aux deux extrémités,
ce qui permettait de les assembler en les vissant, et en assurait l'étanchéité.
Plus de deux siècles après sa pose, elle était encore
en excellent état.
L'année
1774 fut donc, pour les Roquebrunois, celle où, pour
la première fois, ils purent profiter de l'eau courante ; c'est
alors que fut édifiée la fontaine vieille, cette
belle fontaine qu'on peut toujours admirer au pied de la tour de l'Horloge.
Le grand bac circulaire et la colonne centrale sont d'époque
; seules les quatre têtes sculptées qui distribuent l'eau
ont dû être restaurées, à la fin du siècle
dernier. |
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Les habitants se montrèrent
reconnaissants : une députation fut envoyée au généreux
donateur pour lui dédier cette fontaine " marquant dans les
tems à venir la générosité dudit messire De
Badier et la reconnaissance de la communauté pour un si généreux
bien fait ". Son portrait serait placé dans la " salle
d'assemblée " comme bienfaiteur de la communauté, "
ce qui pourtant n'aura lieu qu'après que la communauté aura
fait vérifier l'importance desdites sources dans le mois d'août
". On n'est jamais trop prudent !
Les sources donnèrent probablement satisfaction puisqu'en "L'an
1778, et le 6 Novembre, le Conseil de ce lieu est convoqué à
son de cloche et cri public par la voix et organe d'Antoine Blancard,
trompette et valet de ville." Et au cours de ce Conseil, les
Consuls décidèrent, "en signe de gratitude, d'élever
au bienfaiteur Badier une statue sur la fontaine principale du village",
une promesse qui ne fut pas tenue.
Et, en 1780, le Conseil décida d'une mesure moins onéreuse
: " faire graver de la manière la plus solide et en caractères
les plus durables l'inscription suivante sur une pierre de la fontaine
: Fons populi salus sur une ligne et au-dessous Partim dedit
Alexander de Badier. 1780.
Pourtant cette eau n'était pas gratuite, puisqu'en 1776 les "versures"
de la fontaine furent adjugées 1 sou par heure.
De plus, le débit de la fontaine était insuffisant pour
les besoins de la population du gros bourg qu'était Roquebrune.
En 1782, on vota " le nettoyage du puits de la place et l'installation
d'une roue convenable pour y puiser l'eau commodément ".
Le problème de l'eau ne fut pas réglé pour autant
et resta jusqu'à nos jours un grand sujet de préoccupation;
au XIXème siècle, la commune acquit encore la source
de Coulonne, propriété de Jacques Reynaud, et elle édicta
une réglementation pour nettoyer périodiquement les ouvrages
et pour arracher les arbres le long de la canalisation; on revint également
aux expédients puisqu'il était défendu de détourner
l'eau qui tombait des gouttières, afin que le bassin qui se trouvait
le long du mur nord de l'église - et que nos anciens ont connu
- soit toujours rempli.
Il fallut attendre 1882 pour que le Conseil Municipal se décide
à utiliser les techniques modernes, matérialisées
par une pompe élévatoire, mue par une machine à vapeur,
et capable de propulser deux litres par seconde à 60 mètres
de hauteur. En Août 1886, après bien des péripéties,
l'installation semblait fonctionner puisque le Conseil mentionnait : "Monsieur
Besson s'acquitte à notre satisfaction de son emploi de mécanicien
de la machine à vapeur".
Ce n'est qu'en 1902 que Roquebrune fut enfin alimenté en
eau par les sources de la Siagnole et que la distribution commença
à se faire chez les particuliers à partir du nouveau bassin
de la place de l'Eglise. On inaugura solennellement la fontaine de la
Mairie, qui symbolisa dès lors le progrès au service de
la République. Mais la Siagnole, à la longue, se révéla
à son tour insuffisante et la distribution dut être rationnée.
Dans les années 50,
les habitants n'avaient l'eau au robinet que deux heures par jour; aussi
les maisons étaient-elles souvent pourvues de caisses à
eau qui se remplissaient aux heures de distribution et assuraient un approvisionnement
permanent, bien que parcimonieux.
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Et lorsque nous tirons
sans limite, au robinet, une eau décantée et stérilisée,
nous devons avoir une pensée pour nos ancêtres qui
n'auraient jamais pu imaginer un tel raffinement dans le luxe.
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